Histoire de la collection
À l’origine de la collection du musée national de la Renaissance se trouve celle constituée par Alexandre Du Sommerard (1779-1842), conseiller-maître à la Cour des comptes et amateur éclairé (fig. 1). Il assembla des œuvres du Moyen Âge et de la Renaissance dans l’ancien hôtel des abbés de Cluny en 1833. À sa mort, l’État fit l’acquisition des objets et de l’édifice, auquel furent adjoints les thermes et des collections lapidaires données par la Ville de Paris. La loi du 24 juillet 1843 créait le musée et ses statuts précisaient alors qu’il serait consacré « en particulier aux monuments, aux objets d’usage courant et aux objets d’art de l’Antiquité, du Moyen Âge et de la Renaissance11. Sandron 1993 ; Beese 2006. ». De 1843 à 1885, il eut d’abord à sa tête le fils du collectionneur : Edmond Du Sommerard (1817-1885) (fig. 2), qui enrichit considérablement les collections et publia plusieurs éditions du catalogue, dont la dernière date de 188322. Du Sommerard 1883.. Cette politique d’acquisition fut poursuivie par ses successeurs – Alfred Darcel (1818-1893) de 1885 à 1893 (fig. 3), Edmond Saglio (1828-1911) de 1893 à 1903, Edmond Haraucourt (1857-1941) de 1903 à 1925 (fig. 4), Jean-Joseph Marquet de Vasselot (1871-1946) de 1926 à 1933, puis Francis Salet (1909-2000) de 1967 à 1979 – et renforcée par les libéralités de nombreux donateurs.
Depuis 1842, les collections appartiennent donc à l’État français. Lorsque, à partir de 1948, l’idée d’un musée de la Renaissance vit le jour, un partage des collections en deux fut amorcé.
Les critères de ce partage ne semblent pas avoir été aussi clairs que l’on pourrait le penser. En 1971, Francis Salet et Alain Erlande-Brandenburg avaient commencé à dresser le programme de répartition des objets se trouvant au musée de Cluny. La division était essentiellement stylistique, mais la chronologie joua aussi un rôle important. En 1975, Alain Erlande-Brandenburg, conservateur, est chargé, sous l’autorité de Francis Salet, de suivre les travaux d’aménagement du futur musée de la Renaissance au château d’Écouen33. Décision du 22 juillet 1975, DMF, ref DMF/4 Pers/DG/mtc – no 009385.. En octobre, une première partie des meubles qui se trouvaient dans les salles du musée de Cluny est affectée à Écouen. Les salles ont ouvert progressivement au public : celles du premier étage, le 25 octobre 1977 ; celles du rez-de-chaussée, le 26 mars 1981 ; puis celles du deuxième étage, le 16 février 1985. La salle des tissus, située dans le comble du pavillon nord-est, est la dernière à avoir été inaugurée, le 10 juin 199044. Crépin-Leblond et Jugie 1990.. Depuis cette date, elle est ouverte de manière discontinue pour répondre aux exigences de conservation préventive ou aux contingences logistiques55. Cf. infra Présenter les textiles au musée de Cluny puis au musée national de la Renaissance.
Aujourd’hui, le musée national de la Renaissance est l’un des trente-six musées nationaux à titre de service à compétence nationale (SCN)66. Circulaire du 9 mai 1997 relative aux règles d'organisation des administrations centrales et des services à compétence nationale et de délégation de signature des ministres, NOR : PRMX9702023C, publiée au JORF no 108 du 10 mai 1997, p. 7067. ; cette forme administrative créée par l’article 2 du décret no 97-464 du 9 mai 199777. Décret no 97-464 du 9 mai 1997 portant dispositions générales relatives aux services à compétence nationale a modifié le décret no 47-233 du 23 janvier 1947 modifié, de manière à mentionner explicitement cette catégorie de services. devait permettre une certaine souplesse de gestion. Le SCN est donc placé sous l’autorité directe du ministre de la Culture et son action s’inscrit dans le cadre des objectifs que lui fixe ce dernier ou l’administration centrale. Depuis la réorganisation du ministère de la Culture et de la Communication entrée en vigueur le 13 janvier 2010, le musée national de la Renaissance est rattaché à la direction générale des Patrimoines – service des musées de France88. Décret no 2009-1393 du 11 novembre 2009 relatif aux missions et à l'organisation de l'administration centrale du ministère de la Culture et de la Communication, NOR : MCCB0922695D, publié au JORTF du 15 novembre 2009..
Les œuvres transférées par le musée de Cluny au musée national de la Renaissance à Écouen l’ont été sous forme de dépôts, de novembre 1973 à février 1982. En revanche, les arrêtés ministériels pris de 1982 à 1994 étaient désignés comme « arrêtés d’affectation ». Juridiquement, tous ces arrêtés n’avaient alors valeur que de dépôts à durée déterminée et furent donc tous transformés en arrêtés d’affectation99. Relevé de décisions du Directeur des musées de France – Françoise Cachin – DMF/COL2/FrA/2000, 16 novembre 2000.. Comme le stipule le relevé de décisions du 29 janvier 2001, le service des musées de France estimait que ce qui avait fait l’objet d’un arrêté d’affectation valait transfert de gestion de la collection.
En conséquence, jusqu’à la création d’un musée national de la Renaissance autonome en 1977, les collections des deux musées partagent une histoire commune. Au sein de celle-ci, l’ensemble des textiles présente une certaine homogénéité en matière de provenance. En effet, la plupart des pièces proviennent de collections déjà constituées ou d’ensembles représentatifs composés par des marchands ou des collectionneurs, puis vendus ou donnés au musée de Cluny.
De 1843 à 2015, seules vingt-deux personnalités morales ou physiques ont contribué à l’enrichissement du fonds textile pour trente-trois actes (libéralité ou vente). Derrière cette quantité qui pourrait paraître faible, ce sont en réalité cinq cent six items (correspondant à quatre cent soixante-cinq numéros du présent catalogue) qui relèvent de l’Époque moderne (xve-xviiie siècle).
Les acquisitions du temps d’Edmond Du Sommerard (1843-1885)
Dans la collection d’Alexandre Du Sommerard, les pièces textiles étaient majoritairement issues des éléments du costume civil (bonnet, chaussures, etc.) ou religieux (chapes, chasubles, dalmatiques, etc.). Les premières pièces tissées non montées ni ennoblies ni brodées ont été acquises à l’époque où son fils Edmond Du Sommerard prit la tête du musée de Cluny.
Dans l’ordre chronologique, la première occurrence arrive avec les ensembles des velours ottomans (E.Cl. 2250 à 2252) achetés en 1853, sans que les sources d’archives ne précisent plus de détails, mais dont l’acquisition était probablement liée à des aménagements muséographiques1010. Du Sommerard 1883, p. 516-517, cat. 6487 à 6489..
En 1860, le registre d’inventaire fait état d’« étoffes achetées à Mr l’abbé Bockier Cologne ». Il s’agit de soixante pièces (du no 3046 au no 3105), dont seules trois ont été transférées au musée national de la Renaissance (E.Cl. 3097, 3099 et 3103). Cet abbé Bockier est probablement en réalité le chanoine Franz Bock (1823-1899), bien connu des historiens du textile depuis la monographie rédigée par Birgitt Borkopp-Restle et publiée en 2008 par la fondation Abegg1111. Borkopp-Restle 2008.. Une partie de la collection des textiles médiévaux du chanoine Franz Bock fut acquise en 1875 par la chambre de commerce de Lyon pour le musée d’Art et d’Industrie de Lyon, futur musée des Tissus1212. Durand 2016, p. 9..
En 1874, Gustave Dreyfus (1837-1914) fit don d’un fragment de pente (no 9255) au musée de Cluny et d’une étoffe de soie rouge (no 9256) ; en 1878, il avait également fait don de carreaux en terre cuite émaillée qu’il avait ramenés du Caire. Gustave Dreyfus était le fils d’un fabricant de broderies basé rue Montorgueil à Paris. Après des études de droit, il constitua une importante collection de peintures et de sculptures italiennes des xve et xvie siècles puis un ensemble de petits bronzes, de médailles et de plaquettes italiens de la Renaissance. Gustave Dreyfus était membre de la Commission des monuments historiques et vice-président de la Société des amis du Louvre, dont il était par ailleurs un généreux donateur, notamment dans le domaine des marbres et des bronzes de la Renaissance italienne1313. Exp. Paris 1989, p. 195 ; Migeon 1929..
Le cas Fulgence
Entre 1888 et 1891, les enrichissements ont tous la même provenance : « Fulgence ». Cette maison d’antiquités parisienne vendit un nombre considérable d’objets au South Kensington Museum de Londres1414. Futur Victoria and Albert Museum., au musée de Cluny et au musée des Tissus de Lyon. La maison Fulgence jouissant d’une bonne réputation pendant toute la deuxième moitié du xixe siècle, ses différents antiquaires conseillèrent aussi les musées européens dans leurs achats. Si les intérêts de la société furent d’abord variés (autographes, céramiques, ivoires, objets en bois), elle se spécialisa complètement dans les textiles anciens à partir de 1897. Trois générations de Fulgence dirigèrent l’entreprise et inondèrent littéralement le marché de l’art de la fin du xixe siècle au début du xxe siècle.
Un nombre conséquent de pièces entrées dans les collections du musée de Cluny par l’intermédiaire de Fulgence figurent dans le registre d’inventaire. On dénombre cent soixante-dix-huit occurrences de « Fulgence », réparties comme suit :
Du no 11675 au no 11749 : achat de la collection Fulgence par l’État, 1888 ;
Le no 11806 et le no 11807 sont un don de Fulgence en 1888 ;
Du no 12103 au no 12113 : achat de la collection Fulgence par l’État, 1890 ;
Du no 12122 au no 12160 : achat de la collection Fulgence par l’État, 1890 ;
Du no 12162 au no 12216 : achat de la collection Fulgence par l’État, 1891 ;
Enfin, le no 12347 et le no 12348 furent également achetés par l’État en 1891.
Cent soixante-trois pièces de cet ensemble acquis par le musée de Cluny sur un laps de temps très court de quatre ans sont aujourd’hui affectées au musée national de la Renaissance-château d’Écouen. Les pièces provenant de dons ou d’achats Fulgence constituent donc 32 % du fonds textile, ce qui est considérable. Il s’agit, pour la plupart, de fragments de petite taille, rarement supérieurs à 20 centimètres et majoritairement de velours ciselé, datables entre 1570 et 1620. Plusieurs fragments des mêmes étoffes conservés dans d’autres collections publiques laissent présager une origine commune ; par exemple, deux morceaux du même velours ciselé à fond jaune et fleurons bleus se retrouvent dans les collections du musée national de la Renaissance et dans celles du musée des Tissus de Lyon1515. Il s’agit du fragment E.Cl. 11712 du musée national de la Renaissance et de celui numéroté MT 24560.60 du musée des Tissus de Lyon ; Guelton et Privat-Savigny 2008, p. 75, cat. 81, repr. p. 71.. Les parallèles sont d’ailleurs nombreux entre les collections du musée national de la Renaissance et celles du musée des Tissus de Lyon, qui bénéficièrent aussi de l’intermédiaire de Fulgence. En effet, dès 1872, la chambre de commerce de Lyon acquit auprès de Fulgence un lot d’étoffes italiennes datant du xve siècle au xviiie siècle, achetées à l’issue d’un voyage en Italie1616. Lyon, centre de documentation du musée des Tissus, Archives du musée des Tissus, lettres du 26 octobre 1872 ; Guelton et Privat-Savigny 2008, note 103 ; pour plus de détails sur Fulgence voir Barbier 2022..
L’enrichissement des collections du musée de Cluny – à peu près simultanée – pourrait s’être fait selon une logique similaire : soit la maison Fulgence était missionnée par le musée de Cluny pour fournir des étoffes italiennes, soit elle proposait de sa propre initiative des fragments d’étoffes similaires à celles vendues à la chambre de commerce de Lyon. Les sources d’archives sont malheureusement moins nombreuses du côté du musée de Cluny que du côté lyonnais.
Fulgence faisait également commerce avec d’autres institutions internationales comme les musées royaux de Belgique1717. Errera 1927., la collection de l’inspecteur général des bâtiments de la capitale du Reich en Allemagne1818. Schröter 2013, p. 210-212., le Metropolitan Museum of Art1919. New York, Metropolitan Museum of Art, inv. C.I.62.30.. Au Victoria and Albert Museum, soixante-cinq objets sont signalés comme ayant une provenance Fulgence : des pièces de mobilier médiéval et Renaissance (surtout des panneaux de bois sculpté), des pièces de costumes ainsi que des fragments d’étoffes de l’Époque moderne (xve-xviiie siècle). Entre 1877 et 1914, Fulgence vendit au South Kensington Museum un nombre considérable de pièces, principalement des textiles historiques, mais aussi des céramiques, des ivoires et des objets en bois. Fulgence agissait comme agent du musée lors de vacations à Paris, notamment les ventes Bonnafé, Gavet, Hochon et Walstein. Les relations semblaient particulièrement bonnes entre le South Kensington Museum et Fulgence, à tel point que, en 1883, Sir Philippe Cunliffe-Owen, directeur du musée, recommanda à la Women’s Art Museum Association de Cincinnati l’acquisition de la collection de broderies formée par Mme Fulgence, qui manifestait, selon lui, « une expert[ise] remarquable » quand elle accompagnait son époux lors de ses voyages de travail à travers l’Europe. Enfin, de manière plus anecdotique, on trouve également la trace de libéralités faites par Fulgence au musée national de la Céramique de Sèvres2020. Sèvres, Cité de la Céramique, archives du musée national de la Céramique, 4W1-999 et 4W-24. Rouen, Assiette à décor extrême-oriental "Kakiémon" : léopard courant après un oiseau, vers 1730, legs Fulgence, MNC 5701 et Italie, Boîte tabatière, 1752, legs Fulgence, MNC 6730. et à la bibliothèque de l’Observatoire de Paris.
Les documents d’archives et les registres d’inventaire des musées mentionnent le nom de Fulgence sans prénom, parfois précédé de « monsieur » ou de « monsieur et madame ». La période d’activité relativement longue, de 1867 à 1930 environ, interroge sur l’identité réelle des responsables de la maison Fulgence et sur leur généalogie. La recherche du patronyme Fulgence seul dans les registres d’état civil ne donne aucun résultat. En revanche, une famille Savaté dont tous les mâles portent pour deuxième prénom Fulgence correspond aux marchands collectionneurs dont il est ici question.
Xavier Fulgence Savaté, naquit au Mans (Sarthe) le 13 janvier 18352121. Le Mans, Archives départementales de la Sarthe, 5Mi 191_240-245, naissance Fulgence Xavier Savaté, 13 janvier 1835. ; il était le fils d’Antoine Fulgence Savaté, marchand chapelier au Mans et de Louise Mutrel. Le 15 juin 1877, alors âgé de 42 ans, il épousa Emma Julia Joséphine Choiron, de vingt-deux ans sa cadette, née à Camden Saint-Pancrace dans le Middlesex, en Angleterre. L’acte de mariage qualifie Xavier Fulgence d’expert en objets d’art2222. Archives de Paris, AP V4E 3545, mariage de Fulgence Xavier Savaté 15 juin 1877 Paris IXe arrdt.. La jeune épouse, dont les deux parents étaient alors décédés, se trouvait placée sous l’autorité d’Henri Voisin, artiste peintre, son tuteur. Ce mariage fut aussi l’occasion de reconnaître leurs enfants : d’une part, les jumeaux Adolphe Harry Fulgence Savaté – parfois simplement prénommé Henry – et Sarah Louise Savaté, nés le 16 octobre 18752323. Archives de Paris, AP V4E 8751, mariage d’Adolphe Harry Fulgence Savaté et de Pauline Lucie Berthe Astic, 27 janvier 1899, Paris VIIIe arrdt ; AP V4E 3519, naissances de Sarah Louise Fulgence et d’Adolphe Harry Fulgence, 16 octobre 1875 Paris IXe arrdt., et, d’autre part, Julia Renée Savaté, née le 21 mars 1877.
Adolphe Harry Fulgence Savaté fut engagé volontaire en 18952424. Versailles, Archives départementales des Yvelines, fiche matricule d’Adolphe Harry Fulgence Savaté, classe 1895., mais semble avoir rapidement rejoint le négoce de son père puisqu’il est désigné dans certains actes comme employé de commerce au 71, rue La Boétie à Paris (adresse de la maison Fulgence), puis comme antiquaire. Le 27 janvier 1899, il épousa Pauline Lucie Berthe Astic, née le 18 octobre 1880. L’acte de mariage le désigne comme marchand de curiosités et domicilié 75, rue La Boétie avec ses parents. Le 17 juillet 1893, Xavier Fulgence Savaté fit l’acquisition d’une maison sise 1-3, rue des Fossés-Saint-Marcel pour un montant de 212 000 francs, preuve de son aisance financière2525. Archives de Paris, AP DQ16 6363, inscriptions hypothécaires de Xavier Fulgence Savaté.. Le 7 juin 1906, Xavier Fulgence Savaté décédait à son domicile au 8 bis de l’avenue Perrier dans le VIIIe arrondissement de Paris, à l’âge de 71 ans2626. Archives de Paris, AP 8D 12, acte de décès de Fulgence Xavier Savaté, 7 juin 1906, Paris VIIIe arrdt..
Sa veuve mourut à l’âge de 55 ans à son domicile de Cergy, au 4 de la rue de Neuville, le 4 mars 19122727. Archives de Paris, AP V7E 26 CHO, faire-part de décès de Julia Choiron veuve Fulgence Savaté.. Adolphe Harry Fulgence avait un fils, Maurice Fulgence Savaté, né le 28 septembre 1902, qui embrassa aussi la profession d’antiquaire et épousa, le 4 avril 1932, Simone Mercédès Blanche Bourgeois, née le 2 septembre 19122828. Archives de Paris, AP 16M 260, mariage de Maurice Fulgence Savaté et de Simone Mercedes Blanche Bourgeois, 4 avril 1932, Paris xvie arrdt.. Il était également le père d’une fille, Andrée Fulgence Savaté, née le 22 février 19002929. Archives de Paris, AP V4E 8758, naissance d’Andrée Fulgence Savaté, 22 février 1900, Paris VIIIe arrdt , qui épousa, le 16 mai 1921, Robert Henri Jules Morin, né le 16 février 18953030. Archives de Paris, AP 8M 246, mariage de Robert Henri Jules Morin et d’Andrée Fulgence Savaté, 13 mai 1921 Paris VIIIe arrdt. . Sa deuxième fille, Denise Fulgence Savaté, née le 28 novembre 1907, épousa Paul Joseph Legrand, employé de commerce né le 3 mars 19023131. Archives de Paris, AP 8M 260, mariage de Paul Joseph Legrand et de Denise Fulgence Savaté, 12 décembre 1927 Paris VIIIe arrdt..
Quand on croise ces données généalogiques et les archives des musées conservant des pièces venant de la maison Fulgence, il apparaît que ceux qui furent à l’origine des fonds textiles sont, d’une part, Xavier Fulgence Savaté (1835-1893) et son épouse Julia (1857-1912) et, d’autre part, leur fils Adolphe Harry Fulgence. Ils dirigèrent successivement la société puis Maurice Fulgence Savaté leur succéda.
Xavier Fulgence avait manifestement une certaine réputation en tant que collectionneur et marchand d’art. Pourtant les recherches et les informations relatives à l’histoire de la société demeurent rares et se limitent à quelques faits avérés. Citons cependant la contribution de Barbara Schröter qui a pu faire ressortir certains de ces faits3232. Schröter 2013..
En 1867, M. et Mme Fulgence intervenaient comme experts dans le cadre d’un grand nombre de ventes qui eurent lieu à l’hôtel de Drouot : plusieurs mentions le confirment dans La Chronique des arts et de la curiosité 3333. Paris, Bibliothèque nationale de France, La Chronique des Arts et de la Curiosité, no 183, 5 mai 1867, p. 144.. Le couple Xavier et Julia s’occupait alors encore de multiples domaines comme les lettres et autographes, les porcelaines japonaises, les peintures, les objets d’art de Chine et les meubles d’époque Louis XVI. L’adresse donnée était alors 16 et 17, rue de Provence dans le IXe arrondissement de Paris.
En 1875, on trouve des indications sur les compétences très variées exercées par Xavier Fulgence lors de ses missions auprès de l’hôtel des ventes de Drouot. Le siège de sa société se trouvait alors 40, rue Richer également dans le IXe arrondissement de Paris.
Dans les années 1870, Xavier Fulgence Savaté n’était plus uniquement un expert, mais organisait également des ventes publiques3434. Pour le détail des ventes voir Barbier 2022..
Si l’on fait le décompte, en l’espace de dix ans, il organisa dix-neuf ventes à l’hôtel de Drouot : deux en 1869, une en 1872, cinq en 1873, trois en 1874, une en 1875, trois en 1877, deux en 1878 et deux en 1879. Les premières ventes concernaient surtout du mobilier ancien, des porcelaines de Chine et du Japon ainsi que des faïences. Puis Xavier Fulgence introduisit des tapisseries dans ses ventes. C’est à partir de 1874 que les ventes intégrèrent clairement des étoffes anciennes et notamment des « étoffes anciennes arrivant de l’étranger3535. Paris, Bibliothèque nationale de France, Annonce de la vente Étoffes anciennes arrivant de l’étranger, 22 février 1875, La Liberté, numéro du 22 février 1875. », ce qui correspond chronologiquement à la période suivant un de ses voyages en Italie qui avait donnés lieu à des ventes au musée des Tissus de Lyon.
Pour l’année 1897, c’est l’adresse du 50, rue Saint-Lazare qui est donnée. Cette adresse semble pourtant avoir été occupée bien avant, comme le prouvent certains documents conservés au musée de Cluny (fig. 5). Le 1er octobre 1897, alors spécialisée dans la collection et le commerce de textiles, l’entreprise déplace son siège au 75, rue La Boétie. Elle y reste pendant soixante ans.
En 1901, l’entreprise changea de nom pour « Fulgence et fils », mais Adolphe Harry Fulgence Savaté avait certainement rejoint son père bien avant puisque ce dernier était décédé depuis 1893. Certaines annonces et publicités faisaient valoir la « spécialité d’étoffes anciennes » et montraient que la maison Fulgence s’occupait bien du commerce de textiles et revendiquait cette spécialité3636. Paris, Bibliothèque nationale de France, La Revue critique des idées et des livres, t. XVII, no 101, p. III, 25 juin 1912 ; Paris, INHA, Publicité de la société Fulgence, La Vie parisienne, samedi 29 mars 1913, p. 234.. Dans plusieurs documents, la maison Fulgence est citée comme « la célèbre maison Fulgence, marchand d’étoffes anciennes et collectionneur ».
Adolphe Harry Fulgence, dit Henry semble avoir été très investi dans le milieu du marché de l’art parisien. En 1918, on le trouve mentionné dans le Bulletin de la chambre syndicale des négociants en objets d’art, tableaux et curiosités ; il est alors secrétaire du groupe « tapisseries, étoffes et dentelles anciennes ». Henry Fulgence est également mentionné comme membre de la Société nationale d’acclimatation en 19253737. Bulletin de la Société nationale d'acclimatation de France : revue des sciences naturelles appliquées, 1925-1, p. 34..
Au terme de ce panorama, il semble manifeste que, comme d’autres marchands de tissus anciens, l’entreprise a coupé en petits morceaux des textiles de grand format qu’elle avait acquis et les a revendus individuellement sur une longue période. Cette pratique explique pourquoi des fragments d’étoffes semblables sont présents au musée national de la Renaissance et dans plusieurs grandes collections européennes de textiles.
Les acquisitions du temps d’Alfred Darcel et d’Edmond Saglio (1885-1903)
En 1892, le musée de Cluny reçut un don de huit pièces de la part du musée des Arts décoratifs. Cette pratique de dons entre musées était encore commune à la fin du xixe siècle.
En janvier de la même année, Stanislas Baron (1824-1908) fit deux dons de fragments de tissus (no 12827 et no 12828). Cet antiquaire et marchand d’art, installé 28, rue Batelière à Paris, exerça d’abord dans le négoce du vin. Il fit des dons à diverses institutions telles que le musée du Cinquantenaire de Bruxelles, le musée de la Céramique de Sèvres, le musée des Tissus de Lyon, ou le musée de Saint-Germain en Laye ; Stanislas Baron est cité dans les catalogues de la Pierpont Morgan Library de New York et donna au musée du Louvre plusieurs ivoires médiévaux et une gargoulette à décor épigraphique. La vente de sa collection de tableaux eut lieu à l’hôtel de Drouot en 18743838. Catalogue de tableaux composant la collection Stanislas Baron... [expert] Féral, Paris, hôtel de Drouot, 23 mars 1874.. Enfin, il est cité dans le catalogue de l’exposition des arts musulmans à l’Union centrale des arts décoratifs en 19033939. Exp. Paris 1903, p. 3, 5, 13, 38, 67, 70, 92, 96.. Au musée de Cluny, entre 1881 et 1902, il offrit une cinquantaine de tissus et quelques céramiques4040. Exp. Paris 1989.. Le musée des Tissus de Lyon lui acheta en 1895 un grand ensemble spécifiquement constitué d’étoffes du Moyen Âge et de la Renaissance4141. Guelton et Privat-Savigny 2008, p. 36.. En 1898, le musée de Cluny bénéficia de nouveau de la générosité de Stanislas Baron pour deux fragments d’étoffes (no 13556 à no 13558).
En 1896, le musée de Cluny reçut de Jean Darcel (1823-1906) le don d’un damas italien (no 13261), aujourd’hui au musée national de la Renaissance. Ce fils d’Alphonse Darcel (1788-1877), né à Rouen, fut polytechnicien puis ingénieur des Ponts et Chaussées. Il fut affecté en 1846 à Figeac, avant de rejoindre le service de la navigation de la Seine et le service des ponts de Paris, où il exerça jusqu’en 1856. Dans le contexte de la préparation de l’Exposition universelle de 1855, Jean Darcel construisit avec Lagaliisseie le pont des Invalides en 1854. Il est également le concepteur du pont Notre-Dame, tâche qui lui valut la Légion d’honneur. Il améliora la technique de construction des ponts métalliques « par l’application d’arcs à rotules qui lèvent l’indétermination dans le calcul des forces » et publia à ce sujet, en 1862, dans les Annales des Ponts et Chaussées, un « Mémoire sur divers problèmes relatifs aux arcs et fermes métalliques surbaissées4242. https://www.jardinsdefrance.org/jean-darcel-lingenieur-embellissements-de-paris/, <consulté le 5 décembre 2019>. ». Jean Darcel n’est pas réputé pour avoir développé un intérêt particulier pour le textile et le don fait au musée de Cluny semble isolée. Son frère, Alfred Darcel (1818-1906), est connu, en revanche, pour sa carrière au service du patrimoine. Ingénieur issu de l’École centrale des arts et manufactures, il fut conservateur des objets du Moyen Âge et de la Renaissance du musée du Louvre à partir de 1862, puis administrateur de la manufacture des Gobelins de 1871 à 1873. Il devint conservateur du musée de Cluny en 1885 avant d’être inspecteur de la Commission des monuments historiques. Le don du textile E.Cl. 13261 par Jean a donc eu lieu alors que son frère, Alfred, se trouvait à la tête du musée de Cluny.
Le registre d’inventaire répertorie pour l’année 1901, sous le no 13312, un fragment d’étoffe à fils d’argent. Il s’agissait d’un achat pour un montant de 10 francs fait auprès de Mme Augustine Gérente, marchande d’antiquités, installée au 20, rue Chauchat à Paris, spécialisée dans les « étoffes anciennes, meubles anciens et modernes, musique d’occasion, curiosités, livres anciens, gravures, objets d’art4343. Paris, documentation du musée de Cluny, dossier d’acquisition 13312. ». Le formulaire d’acquisition, qui porte la précision marginale au crayon graphite : « Inventorié en 1897. Probablement payé avec un grand retard », atteste d’une entrée dans les collections cinq ans après, en même temps que le règlement de la facture. On ne compte pas d’autre entrée provenant de Mme Gérente.
En 1898, on note l’acquisition auprès de M. F. Schutz, marchand de « tapisseries, étoffes anciennes et curiosités » à Paris, au 18, rue Bonaparte, de huit objets (no 13541 à no 13548 dans l’inventaire) pour une somme de 90 francs4444. Paris, documentation du musée de Cluny, dossier d’acquisition 13541-13548.. Le musée des Tissus de Lyon fit appel à lui en tant qu’expert à plusieurs reprises en 1903, 1906, 1907 et 19224545. Guelton et Privat-Savigny 2008, p. 36..
Les enrichissements de la collection au xxe siècle
Pendant une dizaine d’années, l’entrée de pièces textiles dans les collections du musée de Cluny connut un net ralentissement avant de reprendre, en 1909, avec le don de Victor Gay (no 17686 à no 18207), qui comprenait six tissus des xvie et xviie siècles.
En 1912, le musée de Cluny se porta acquéreur de quatre étoffes lors de la vente de la collection Besselièvre à l’hôtel de Drouot les 16 et 17 décembre4646. Paris, documentation du musée de Cluny, dossier d’acquisition 18598-18601.. Jean-Charles Besselièvre (1830-1894) et Louis-Charles Besselièvre (1862-1919), amateurs et connaisseurs d’étoffes anciennes4747. Guelton et Privat-Savigny 2008, p. 36., étaient fabricants d’indiennes à Maromme, en Seine-Maritime. Leur collection fut dispersée lors de trois vacations qui se tinrent pendant l’hiver 1911-1912. Des œuvres de cette vente sont présentes au musée des Arts décoratifs de Paris, au Metropolitan Museum de New York et au musée Calouste Gulbenkian de Lisbonne. Le musée des Tissus de Lyon acheta également plusieurs étoffes de la collection des Besselièvre.
Le registre d’inventaire du musée de Cluny fait état de six textiles entrés par don de Georges Contenau (1877-1964), par décret du 12 août 1929 (no 21214 à no 21219). Georges Contenau était docteur en médecine et exerça les fonctions de conservateur en chef du département des Antiquités orientales du musée du Louvre de 1937 à 1946. Il participa à de nombreuses fouilles à Suse et à Tepe Giyan (Iran) mais aussi à Sidon (Liban). Il est l’auteur d’un Manuel d’archéologie orientale (1927-1947) en quatre volumes4848. Exp. Paris 1989, p. 176.. En 1925, il fit don au Louvre de tablettes cappadociennes. La même année, il donnait au musée de Cluny un médaillon en ivoire représentant Jésus et les docteurs (Cl. 21114) puis, en 1928, des planches à frapper le velours aujourd’hui conservées au musée national de la Renaissance (E.Cl. 21169-21170)4949. L’interprétation de ces planches reste sujette à caution : elles pourraient aussi être destinées à la confection de cuirs dorés.. En 1929, le docteur Conteneau offrait quatre tissus (no 21214 à no 21219), dont un seul est conservé au musée national de la Renaissance (E.Cl. 21219). Les libéralités dont il continua de gratifier le musée de Cluny révèlent un esprit curieux de l’artisanat et des savoir-faire : en 1937, il fit don d’une boîte en cuivre en forme de cœur et, en 1938, d’ustensiles de pâtisserie en bois (no 22316 à no 22320)5050. Registre 15 du musée de Cluny..
Le 19 décembre 1929, le musée de Cluny recevait aussi cinq textiles (no 21271 à no 21275) d’un M. Hassan, antiquaire installé au 29, rue des Saints-Pères à Paris. Un seul de ces morceaux, taillé dans une étoffe chinoise, est conservé au musée national de la Renaissance (E.Cl. 21271). Ce commerçant est à l’origine d’une nouvelle libéralité, le 26 décembre 1930, consistant en dix textiles (no 21546 à no 21556), tous encore conservés au musée de Cluny. Le 21 juin 1932, le musée lui acheta une pièce aujourd’hui à Écouen (E.Cl. 21598) puis, le 22 décembre, quatre fragments également conservés au musée national de la Renaissance (E.Cl. 21611 à 21614). Un textile du xive siècle provient également de cet antiquaire (Cl. 21883) ainsi qu’un tissu du xve siècle (Cl. 22064 et une dentelle E.Cl. 22066)5151. Kratz..
Mme Marquet de Vasselot, épouse de Jean-Joseph Marquet de Vasselot (1871-1946), qui avait été directeur du musée de Cluny, fit don du velours E.Cl. 21391, le 23 mai 1930. Elle avait auparavant offert dix textiles (no 21172 à no 21182) au musée de Cluny et manifestait un réel intérêt pour ce champ de collection.
La même année, le musée s’enrichissait de la donation du baron de Némès, composée de soixante-sept tissus (no 21395 à no 21461)5252. Conseil des musées 7 juillet 1930 ; décret du 4 février 1931.. Quarante-cinq pièces de cet ensemble sont aujourd’hui conservées au musée national de la Renaissance. Janoshalma Marczell de Némès (1866-1930), collectionneur et mécène hongrois ayant fait fortune dans l’exploitation de terrains miniers, avait réuni une importante collection de peintures et d’objets d’art. Elle fut dispersée au cours de cinq ventes publiques entre 1911 et 1931. Le musée du Louvre reçut, en 1932, le Portrait d’Anne-Elisabeth Gosset par Thomas Gainsborough5353. Paris, musée du Louvre, RF 3660. ainsi que deux primitifs espagnols déposés au musée de Perpignan5454. Exp. Paris 1989, p. 321..
Le 5 mars 1931, le musée de Cluny reçut le don de dix textiles d’un M. Stora (no 21559 à no 21569), mais le registre d’inventaire ne comporte aucune précision5555. Comité du 5 mars 1931, arrêté du 9 mars 1931, décret du 12 janvier 1932. Registre 15 du musée de Cluny.. Il s’agit probablement d’un des frères Raphaël et Maurice Stora, antiquaires implantés au 22 bis, boulevard Haussmann. En effet, un peu plus tôt, la même année, le musée de Cluny avait acheté une étoffe (no 21543) auprès de MM. Stora, antiquaires, 22 bis, boulevard Haussmann. L’un, Maurice Stora (1879-1950), est réputé avoir donné trois œuvres au Louvre. Leur fonds a été dispersé en vente publique le 8 juin 19445656.Paris, Institut national d’Histoire de l’Art, VP 1944/232, « Liquidation M. et R. Stora ; Objets de curiosité ; Céramiques françaises et orientales : Rhodes, Damas, Perse ; Deux chapiteaux en marbre du xiie siècle ; Meubles des xve et xvie siècles ; Importante collection de tissus et de tapisseries des xve, xvie, xviie et xviiie siècles, tapis dont la première vente aux enchères publiques à la requête du commissaire-gérant aura lieu Hôtel Drouot, salle no 1, le jeudi 8 juin 1944, à 14 heures ».. Le catalogue de cette vente précise :« M. et R. Stora, commerce d’art et d’antiquités situé au 22 bis boulevard Haussmann à Paris, était tenu par les frères Maurice Stora (1879-1950) et Raphaël Stora (1887-1963), qui développèrent également une branche de leur activité à New York5757. Idem. ».
En 1932 et 1933, plusieurs pièces sont achetées à une Mme Hein, antiquaire située au 43 ter, rue des Saints-Pères, à Paris. En 1910, un M. Belà Hein, Slovaque arrivé à Paris en 1910 et mort en 1932, avait ouvert une galerie dans le Carré Rive Gauche. Il était spécialisé dans l’art tribal et la « haute époque5858. Gazette de l’Hôtel de Drouot, no 22, 3 juin 2005, p. 30-31 : annonce de la vente Belà Hein, 6 juin 2005. ». Il pourrait être l’époux de cette Mme Hein. Le comité du 22 décembre 1932 valida l’achat de cinq textiles à cette antiquaire (E.Cl. 21603 à 21608), puis celui du 22 juin 1933 permit de faire entrer, pour la somme de 6 300 francs, cent trente-huit tissus de sa collection du Moyen Âge, de la Renaissance et du xviie siècle (E.Cl. 21690 à 21828)5959. Comité du 22 juin 1933, arrêté du 7 juillet 1933, décret du 6 septembre 1934..
Le 12 octobre 1933, le musée de Cluny reçut un don anonyme de trente-deux cadres comprenant trente-cinq tissus provenant de la collection Claudius Côte6060. Comité du 12 octobre 1933.. Claude-Marius – dit Claudius – Côte (1881-1956), collectionneur réputé, industriel, membre de la Société des antiquaires de France, membre du cercle de commerce de Lyon, s’était tourné dès son adolescence vers l’histoire de l’art et suivit, comme auditeur, des cours à l’université de Lyon, notamment ceux d’Émile Bertaux, dont il sollicita les conseils pour ses premières acquisitions. Sa curiosité et sa passion de collectionneur s’étendirent à une grande variété de domaines : la peinture française, la peinture italienne, la sculpture française, les objets d’art du Moyen Âge, les montres, l’horlogerie, les meubles, les céramiques, les monnaies, mais aussi la préhistoire et l’ethnologie. De son vivant, il fit des dons au musée du Louvre6161. Exp. Paris 1989, p. 177-178.. Suivant les volontés de son mari, Mme Claudius Côte, née Marie-Jeanne-Françoise Jusseau, légua par testament la totalité de sa collection en la répartissant par typologie entre le musée des Beaux-Arts de Lyon, le Muséum d’histoire naturelle de Lyon, le musée de l’Homme à Paris, la Bibliothèque nationale France, le musée du Louvre et le musée de Cluny. Les dons consistaient en un plat en faïence en 1908, en un tissu du xiiie siècle (Cl. 21878) en 1934, en un tissu persan du xiie siècle (Cl. 22035) en 1935. Le legs de vingt-huit œuvres réalisé en 1961 comportait principalement des tissus (Cl. 22809 à Cl. 22837)6262. Idem..
En 1933, le musée du Louvre déposait au musée de Cluny plusieurs pièces provenant de la collection du baron Adolphe Léopold Delort de Gléon (1843-1899), dont le portrait par Jean Léon Gérôme est conservé au musée du Louvre6363. Paris, musée du Louvre, RF 2303.. Le baron Delort de Gléon avait été élève de l’École des mines avant de devenir ingénieur civil des mines et d’exercer pendant plus de vingt ans en Égypte6464. Exp. Paris 1989, p. 187.. Ses fonctions lui permirent de constituer une importante collection d’art islamique dont proviennent les deux fragments d’étoffes aujourd’hui conservés à Écouen (E.Cl. 21873) / OA 7470 et (E.Cl. 21874) / OA 7471). Ces passerelles entre les collections du musée du Louvre et du musée de Cluny s’expliquent en partie par le fait que le musée de Cluny, après avoir été placé sous l’autorité de la Commission des monuments historiques, fut rattaché administrativement au musée du Louvre de 1926 à la Seconde Guerre mondiale.
Le 29 avril 1948, le musée de Cluny reçut le legs de Marcel Guérin (1873-1948) comprenant quatre-vingt-treize œuvres (no 22443 à no 22536), dont quatre textiles aujourd’hui au musée national de la Renaissance. Fils d’Edmond Guérin (1846-1936) et de Thérèse Bréton (1854-1939), il était critique d’art et collectionneur et donna de nombreuses œuvres au musée du Louvre ainsi qu’à plusieurs musées situés en région6565. Exp. Paris 1989, p. 224.. Quelques œuvres de sa collection se trouvent aujourd’hui à la National Gallery de Washington. Il était le père de l’écrivain engagé Daniel Guérin (1904-1988), également donateur du musée du Louvre ; parmi les centres d’intérêts de ce dernier, essentiellement amateur de peinture, le textile semble avoir été marginal.
La politique du nouveau musée de la Renaissance
Riche des importantes collections provenant du musée de Cluny, le musée national de la Renaissance ne collecta pas de tissus dans un premier temps, hormis un achat lors d’une vente publique en 1997 (Ec. 283)6666. Vente Chantilly 1997, p. 56, cat. 465.. Ce n’est que dans les années 2000 que les acquisitions reprirent réellement dans le domaine du textile, avec pour objectif de combler les quelques manques du fonds, notamment en matière de répertoire décoratif (motifs de grotesques, de grenades, etc.).
La société des Amis du musée national de la Renaissance au château d’Écouen fit don de deux items, l’un en 2010 (Ec. 1912), l’autre en 2015 (Ec. 2040). Celle-ci a été précédée par la société des Amis du château d’Écouen, qui avait été créée avant l’inauguration du musée, en 1970, et dont la raison d’être initiale était de contribuer à la préfiguration du musée national de la Renaissance et d’œuvrer pour la restauration du château. En 2002, sur proposition d’Alain Erlande-Brandenburg, alors directeur du musée, au président François-Charles James, la société des Amis du château d’Écouen devint la société des Amis du musée national de la Renaissance au château d’Écouen6767. Collectif 2014, p. 4-5.. Aujourd’hui présidée par Mme Geneviève Bresc-Bautier, cette dernière participe activement à l’enrichissement des collections en intervenant pour l’achat d’œuvres sur les conseils de l’équipe de conservation du musée et soutient tout particulièrement les projets d’accroissement du fonds textile.