Présenter les textiles au musée de Cluny puis au musée national de la Renaissance
Le catalogue de 1883 présente les textiles hérités d’Alexandre Du Sommerard et catalogués par son fils Edmond Du Sommerard. Dans le premier musée de Cluny, les textiles étaient ainsi peu nombreux, se limitant à quelques items rares, broderies et ornements sacerdotaux. Leur exposition est mal connue malgré leur présence dans le catalogue11. Du Sommerard 1883, p. 509-526.. Les pièces du temps où Edmond Du Sommerard était conservateur du musée sont également listées. Les étoffes isolées semblent avoir été majoritairement tendues sur châssis et probablement exposées encadrées sous verre, comme le confirment les traces de clous présentes sur les lisières de certaines d’entre elles22. En particulier les ensembles E.Cl. 2250, E.Cl. 2251 et E.Cl. 2252, dont certaines pièces sont encore montées sur châssis de bois..
Lorsque, en 1907, le musée de Cluny passa de la tutelle de la Commission des monuments historiques à celle de l’administration des musées nationaux, Edmond Haraucourt, son nouveau directeur, proposa une nouvelle présentation des collections en sortant des réserves une grande partie des œuvres. Le souvenir de cette muséographie nous est conservé grâce à plusieurs de ses publications. Le sommaire du guide de 1922 indique que les tissus de soie sont dans la salle XXX.33. Haraucourt 1922, p. 10.
Cependant, au niveau du descriptif de la salle XXVIII, on trouve la mention :
« Au milieu de la salle, en un meuble à volets : Échantillons de velours frappés, ciselés, bouclés, etc. Damas, brocarts et brocatelles. Art italien, français, espagnol, du xive au xviie siècle44. Haraucourt 1922, p. 183.. »
Les étoffes pouvaient donc être consultées comme on feuillette un livre dans ce « meuble à volets », qui faisait office de présentoir, mais c’est bien la salle XXX, située au deuxième étage du musée de Cluny (fig. 1), qui était alors dédiée aux tissus. Haraucourt écrit que « des spécimens d’une rareté exceptionnelle sont réunis dans cette salle et permettent de suivre, en ses développements, l’art de travailler la soie55. Haraucourt 1922, p. 189. ». Les pièces sont majoritairement exposées dans des cadres noirs fixés au mur. Néanmoins les textiles du xvie siècle et des époques plus récentes sont concentrés « en un meuble à volets » semblable celui de la salle XXVIII66. Haraucourt 1922, p. 190..
De 1927 à 1933, le musée de Cluny connut une importante réorganisation pilotée par Jean-Joseph Marquet de Vasselot (1871-1946)77. Erlande-Brandenburg, Le Pogam et Sandron 1993, p. 13.. L’aménagement qui en résulta et la nouvelle muséographie sont en grande partie connus par le guide officiel écrit par Marquet de Vasselot en 1933 et publié en 1935.
La collection textile au sens large était présentée au deuxième étage du musée de Cluny et répartie dans sept salles : dans la salle 27 étaient exposées les dentelles, broderies et tapisseries ; dans la salle 28, les dentelles et broderies mêlées à des boiseries ; dans la salle 29, les broderies vêtements sacerdotaux, ornements liturgiques, tissus et tapisseries avec des bois sculptés ; dans la salle 30, les vêtements sacerdotaux, les tissus et des meubles ; dans la salle 31, la collection de chaussures au milieu de tapisseries ; dans les salles 32 et 33, les vêtements sacerdotaux et des tapisseries88. Marquet de Vasselot 1935, p. 137.. Les étoffes qui sont aujourd’hui conservées au musée national de la Renaissance se trouvaient majoritairement exposées dans la salle 29 du musée de Cluny, qui comprenait une véritable section « tissus ». Ils étaient répartis, pour une partie d’entre eux, dans des « volets mobiles » – sans doute les mêmes que ceux mentionnés en 1922 – et désignés comme :
« Spécimens de tissus du Moyen Âge, de la Renaissance et du xviie siècle : toiles imprimées, étoffes rustiques en laine et fil, brocarts, brocatelles, damas, lampas, satins, etc. ; Italie, Espagne, Allemagne, France, etc.99. Marquet de Vasselot 1935, p. 116. »
Dans le guide du musée de 1935, ces tissus sont considérés comme « des documents techniques extrêmement instructifs et qui présentent, en outre, le plus haut intérêt pour l’histoire du décor1010. Marquet de Vasselot 1935, p. 117. ». L’on imagine bien combien cette présentation dans des volets mobiles manipulables par les visiteurs devait faciliter la consultation des pièces dans un but éducatif et pédagogique. Sur les murs de la même salle étaient exposés des « brocarts de velours polychromes » provenant d’« Asie Mineure, xvie et xviie siècles1111. Marquet de Vasselot 1935, p. 117. ». Ces « brocarts de velours » d’Asie Mineure correspondent très certainement aux velours ciselés ottomans – E.Cl. 2250, par exemple – que l’on devine sur certaines photographies anciennes, encadrés et sous verre (fig. 2 à 4)1212. APAH, Société des Archives photographiques d’art et d’histoire (1921-1941), Vues d’ensemble d’une salle d’exposition, négatifs, MNCLG0011 N, MNCLG0012 N et MNCLG0013 N, Charenton, Médiathèque du patrimoine et de la photographie ; https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/memoire/APMNCLG0013N, https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/memoire/APMNCLG0012N, https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/memoire/APMNCLG0011N..
Dans les volets mobiles de la salle 30 se trouvaient, datés du xve au xviie siècle, de « nombreux spécimens de velours : velours gothiques à décor ferronnerie ; brocarts de velours de Venise ; velours ciselés italiens et espagnols1313. Marquet de Vasselot 1935, p. 118. ». Aujourd’hui, les velours du xve siècle sont conservés au musée de Cluny, tandis que les autres font partie de l’important ensemble de velours ciselés transférés au musée national de la Renaissance. Des « tissus de Cologne1414. Marquet de Vasselot 1935, p. 119. » du xvie siècle sont mentionnés dans la salle 32 qui pourraient correspondre aux étoffes provenant de l’importante collection du chanoine Bock1515. Cf. infra .
Jusqu’à l’aube de la Seconde Guerre mondiale et la fermeture du musée de Cluny, une muséographie dense et exhaustive encore héritée du xixe siècle prévalait. Les textiles, comme le reste des collections, étaient présentés de manière à montrer l’évolution des formes et des motifs. Véritable source d’inspiration, à l’instar des collections du musée des Arts décoratifs de l’Union Centrale des Arts décoratifs (UCAD) et du musée des Tissus de Lyon, les collections du musée de Cluny avaient vocation à former les artistes et les artisans d’art. Le choix des présentoirs à volets mobiles contribuait à montrer le plus grand nombre de pièces et à en valoriser la diversité. Après la guerre, d’importants travaux architecturaux et muséographiques furent mis en œuvre et les tissus furent dès lors peu exposés. Ce ne fut que la perspective de l’ouverture du musée national de la Renaissance qui permit d’envisager la présentation régulière au public de ce fonds de cinq cent six étoffes représentatives de l’Époque moderne.
Pourtant, au musée national de la Renaissance, la salle des tissus ne vit pas immédiatement le jour. Il fallut attendre 1990 pour que l’espace situé au troisième étage du pavillon nord-est du château d’Écouen fût ouvert au public1616. Crépin-Leblond et Jugie 1990.. L’accrochage n’était pas spécifiquement dédié aux étoffes tissées, mais donnait à voir une sélection des chefs-d’œuvre du fonds textile, dont une robe vénitienne (E.Cl. 11483), un panneau brodé qui, reprenant une composition de Rosso Fiorentino, représente l’Adoration du Veau d’or (E.Cl. 1488) ou encore un corporalier brodé, rapproché de l’art de Jean Cousin le Père (E.Cl. 13224). Pour cette ouverture de 1990, il s’agissait de montrer au public les pièces remarquables du fonds. La salle avait été pourvue de vitrines murales à structure en chêne, aux panneaux moulurés et aux encadrements prenant la forme de pilastres cannelés. Elles s’harmonisaient avec les autres vitrines du musée, également en chêne. Au centre de la salle avait été installée une grande vitrine table de forme carrée, également en chêne, permettant de présenter à plat des œuvres de grande taille ne supportant pas une exposition à la verticale. Les fenêtres avaient été pourvues de filtres anti-UV et de stores répondant parfaitement aux enjeux de conservation préventive alors en plein essor dans le domaine de la muséologie. La salle était dès l’origine dotée d’un détecteur de présence actionnant l’éclairage des vitrines à l’approche d’un visiteur.
Pour des raisons de conservation propres à la matière textile, qui souffre d’une exposition trop longue à la lumière, la collection ne peut pas être montrée en permanence. Aussi, dès l’ouverture de la salle en 1990, il avait été choisi de la présenter par roulement. Plusieurs accrochages furent proposés jusqu’en 2004 sur des thèmes différents. Chaque présentation correspondait à la publication d’un catalogue d’une partie de la collection.
En 1992, l’édition du catalogue des dentelles du musée rédigé par Anne Kraatz fut l’occasion de proposer une sélection des pièces qui y sont décrites. La grande vitrine table accueillit une exceptionnelle courtepointe en filet brodé (E.Cl. 1955)1717. Kraatz 1992, p. 49, cat. 5. ; et les vitrines murales, des pièces de plus petite taille – dont des cols masculins en dentelle à l’aiguille, pour lesquels de petits présentoirs sous forme d’étagères avaient été confectionnés et fixés dans les fonds des vitrines.
Du 9 juin 2002 au 9 mars 2003, l’exposition « Quand les princesses d’Europe brodaient » mettait en valeur l’ensemble de broderies au petit point du musée national de la Renaissance complété par quelques prêts du musée des Beaux-Arts d’Orléans1818. Exp. Écouen 2003.. Quelques étoffes non brodées étaient exposées pour permettre des parallèles avec les textiles transcrits dans les broderies au petit point. Elles avaient été préalablement montées par Isabelle Bédat, restauratrice textile, sur des supports en carton de conservation gainés de taffetas : grâce à ce dispositif, la tension subie par les fibres lors de l’exposition était adéquatement répartie et la manipulation des étoffes, facilitée. Cette présentation – comme la suivante – avait été orchestrée par Maria-Anne Privat, alors conservatrice en charge du fonds textile.
En 2005, l’exposition « L’Église en broderies : ornements liturgiques du musée national de la Renaissance » faisait la part belle à la broderie à l’aiguille et aux ornements liturgiques. L’ouvrage accompagnant cette exposition catalogue la centaine d’objets et de vêtements liturgiques allant du xvie au xixe siècle, provenant du fonds d’Alexandre Du Sommerard. Une première partie étudie les formes et usages de ces vêtements et l’art de la chasublerie à la Renaissance. La seconde partie présente chacune des œuvres sous un angle technique et iconographique. L’accrochage de la salle des tissus proposait une sélection de ces pièces. Une chape était exposée dans la grande vitrine table centrale, tandis que des chasubles et des dalmatiques étaient présentées dans les vitrines murales, sur des portants en forme de tau préalablement gainés de matériaux de conservation (fig. 5).
Après 2005, une nouvelle présentation de dentelles fut montée dans la salle des tissus et resta en place jusqu’en 2014. Une robe vénitienne (E.Cl. 11483), associée à des dentelles, trouvait place dans la petite vitrine de l’angle nord-ouest, sur un mannequin fait sur mesures. La salle n’était alors ouverte qu’à la demande ; les œuvres étaient ainsi maintenues dans le noir en l’absence de visiteurs.
Après 2014, il fut décidé de rendre la collection plus accessible au public et d’en proposer un accrochage annuel. Ce roulement devait aussi permettre de respecter les normes de conservation préventive et de proposer des thématiques différentes assurant ainsi des liens avec le reste de la collection.
Il fut nécessaire de mener quelques aménagements dans les vitrines, de réviser le système de détection de présence et de remplacer l’éclairage au néon de l’intérieur des vitrines par un éclairage à LED, moins nocif pour les œuvres et plus agréable pour l’œil des visiteurs. Le fond des vitrines fut intégralement décapé et repeint dans une teinte ivoire. Des panneaux de médium furent gainés de molleton et d’une toile de coton décati pour permettre d’y fixer les œuvres et de les présenter inclinées à l’intérieur des vitrines. Ce dispositif de panneaux inclinés a été imaginé pour moduler l’accrochage plus aisément.
L’agencement des vitrines a été conçu de la sorte : la vitrine 1, située dans l’angle nord-ouest et désignée « chefs-d’œuvre », propose une petite sélection des œuvres exceptionnelles du musée, en particulier des broderies, en lien avec le thème général de la présentation. La vitrine 2, en position symétrique dans l’angle nord-est, n’autorise que la présentation de pièces de petite taille. La vitrine 3, située le long du mur est, est équipée des panneaux gainés susmentionnés et offre une grande surface pour des œuvres toutes en longueur. La vitrine 4 occupe le centre de la salle et continue – comme initialement prévu – de recevoir les textiles de grand format nécessitant une présentation à plat. Enfin, la vitrine 5, placée dans l’angle sud-ouest et également dotée de panneaux gainés, est adaptée à la présentation d’étoffes de toutes tailles (fig. 6 et 7).
En complément, la salle a été équipée d’un meuble pédagogique conçu à partir d’une ancienne vitrine du musée à laquelle quatre tiroirs ont été ajoutés. Dans la vitrine sont montrés les matériaux constitutifs des tissus : la laine (laine brute de mouton), la soie (cocon de soie et écheveau non teint), le lin (quelques graines et du fil non teint), le coton (une fleur de coton et du fil non teint) et les filés métalliques. Dans les tiroirs sont présentés des échantillons de différentes armures accompagnés des schémas de tissage correspondants : la toile, le sergé, le satin, le damas, le lampas, la brocatelle1919. Les matières ont été collectées par l’auteur, tandis que les échantillons ont été fournis gracieusement par Xavier Bonnet, tapissier (†) et par Isabelle Da Lage, responsable de la formation au Mobilier national. ainsi qu’une pièce de toile brodée des principaux points de broderie employés à l’Époque moderne (fig. 8)2020. Ces broderies sont l’œuvre de Sophie Vassogne, alors régisseuse des œuvres au musée national de la Renaissance..
Entre 2014 et 2019, cinq expositions de six à huit mois ont ainsi été proposées au public. Elles sont répertoriées sur le site Internet du musée national de la Renaissance, de sorte que le visiteur peut raviver le souvenir de sa visite et voir les photographies des œuvres depuis replacées en réserve2121. <https://musee-renaissance.fr/accrochages-de-la-salle-des-tissus>..
L’accrochage 2014-2015, considéré comme une réouverture de la salle de manière permanente, avait pour titre « L’étoffe des rêves. Le tissu d’ameublement dans les collections du musée2222. Barbier 2014 ; Exp. Écouen 2014-2015 ; <https://musee-renaissance.fr/accrochage-2014-2015>. ». L’objectif était de montrer que le textile occupait une place primordiale dans le décor intérieur aux xvie et xviie siècles. Pendant le xve siècle et la première moitié du xvie siècle, la même industrie produisait les mêmes tissus, qu’ils soient destinés à l’ameublement ou à l’habillement. Ces étoffes étaient lourdes et riches, car souvent tissées avec des filés et des lamés d’or et d’argent ; les teintures étaient subtiles et également onéreuses ; les dessins, complexes, arboraient par prédilection la grenade et le chardon. Progressivement, le textile d’ameublement se distingua du textile vestimentaire par des métiers à tisser spécifiques aux montages longs et complexes, par une main d’œuvre qualifiée, par une diversification des motifs et des coloris et par des coûts élevés dont les inventaires après décès ont gardé la trace. Ces coûts, bien supérieurs à ceux du bois des meubles, révèlent le signe de reconnaissance sociale dont le textile était porteur ainsi que l’investissement financier qu’il représentait pour les commanditaires européens fortunés. La mobilité de la noblesse de cour impliquait le déplacement du mobilier de menuiserie ainsi que des étoffes ; ces dernières étaient transportées dans des coffres, qui constituaient depuis le Moyen Âge le principal meuble des demeures. Afin d’illustrer cette réalité, les œuvres étaient réparties selon les thématiques suivantes : la vitrine 1 montrait, comme exemples de l’art des brodeurs parisiens, un panneau figurant l’Adoration du Veau d’or (E.Cl. 1488) et un corporalier (E.Cl. 13224) ; exposant un petit lit à la duchesse (E.Cl. 19592), la vitrine 2 mettait en évidence la place primordiale du lit dans les demeures ; la vitrine 3 présentait essentiellement des pentes de lit, en particulier une, aux armes de la duchesse de Lesdiguières (E.Cl. 1204 a), qui ornait le lit dit de François Ier dans la muséographie d’Alexandre Du Sommerard2323. Sur cet ensemble cf. Barbier 2017a et Barbier 2017b. ; la vitrine 4, consacrée à la table, abritait un tapis de table (E.Cl. 2771) et un tapis de table de toilette brodé (E.Cl. 11467) ; à travers une sélection de sept petites pièces et d’un grand fragment de tenture (Ec. 283 a), la vitrine 5 donnait un aperçu de ce que pouvait être le décor mural aux xvie et xviie siècles.
L’accrochage 2015-2016, intitulé « De la tête aux pieds, se vêtir à la Renaissance », abordait le sujet du vêtement2424. Exp. Écouen 2015-2016 ; <https://musee-renaissance.fr/accrochage-2015-2016>.. Visant à montrer que, progressivement, le textile vestimentaire se distingue du textile d’ameublement par des métiers à tisser spécifiques plus réduits, par une main d’œuvre qualifiée, par une diversification des motifs et des coloris et par des coûts élevés, dont les inventaires après décès témoignent, cet accrochage permit de sortir d’autres pièces des réserves. Plusieurs corps de métiers intervenaient dans la confection vestimentaire : les tisserands, auteurs des étoffes proprement dites, les brodeurs qui venaient ajouter un décor en relief fait de fils de soie ou de fils métalliques, les dentellières dont les ouvrages ornaient les manches et les cols, mais aussi les tailleurs, les bottiers et les chapeliers. Chaque vitrine évoquait un peu de leur art. Dans la vitrine 1, les chefs-d’œuvre étaient, d’une part, un panneau brodé de l’Adoration des Mages (E.Cl. 9508), provenant vraisemblablement d’un vêtement religieux, et, d’autre part, deux accessoires du costume civil : un bonnet de Charles Quint (E.Cl. 2352) et un col a rebato (E.Cl. 1886 b). La vitrine 2 présentait des accessoires du costume. Dans la vitrine 3, une chasuble, deux dalmatiques, une étole et un manipule permettaient d’évoquer, ainsi que la chape présentée dans la vitrine 4, le costume liturgique. Enfin, autour d’une robe vénitienne (E.Cl. 11483) et d’un corsage baleiné (E.Cl. 10811 b), la vitrine 5 montrait une large sélection des fragments d’étoffes composant notrecatalogue raisonné.
En 2016-2017, sous le titre « De laine et de soie : la tapisserie aux xvie et xviie siècles », avait été proposée une présentation de dix-huit petites pièces de tapisseries et éléments de bordures conservés dans les réserves du musée et complémentaires des grandes tapisseries exposées dans les salles2525. Exp. Écouen 2016-2017 ; <https://musee-renaissance.fr/accrochage-2016-2017>.. Les pièces alors présentées ne figurent pas dans le présent catalogue.
L’année 2017 était celle des 40 ans de l’inauguration du musée national de la Renaissance. À cette occasion, il semblait pertinent de mettre à l’honneur le velours, étoffe emblématique de la période. Ainsi, l’accrochage 2017-2018, intitulé « Le velours, étoffe reine de la Renaissance (xvie et xviie siècles) », fut l’occasion d’exposer un ensemble conséquent des nombreux fragments de velours qui composent la collection2626. Exp. Écouen 2017-2018 ; <https://musee-renaissance.fr/accrochage-2017-2018>.. Techniquement, le velours est un tissu dont la surface est couverte de boucles ou de poils dressés au-dessus d’une autre armure (satin, taffetas). Boucles et poils sont obtenus par les fils d’une chaîne ou d’une trame supplémentaire intégrée au tissage. Majoritairement tissés en Italie dans les villes de Lucques, Gênes et Florence, les velours de la collection du musée national de la Renaissance montrent toute la diversité des tissages et des motifs possibles. Dans la vitrine 1, étaient présentés un corporalier couvert de velours brodé (E.Cl. 9344) et deux pièces issues des fouilles du jardin du Carrousel déposées par le musée du Louvre : un masque (inv. 113-027-5A) et un col de veste masculine (inv. 113-031-39). La vitrine 2 permettait une ouverture vers le Levant par l’exposition d’un grand lé de velours kahifê (E.Cl. 2252 a) tissé à Istanbul ou Bursa, provenant d’un achat fait par Edmond Du Sommerard en 1853. Dans la vitrine 3, associées à deux pièces des velours ferronnerie prêtés par le musée de Cluny (Cl. 3092 et Cl. 21408), étaient montées sur les panneaux gainés des œuvres toutes ornées de motifs de grenade afin de montrer la permanence de ce motif dans l’art textile et ses variations du xve au xviie siècle. Dans la vitrine 4, une chape (E.Cl. 1216) permettait d’évoquer l’emploi du velours pour les vêtements cérémoniels du clergé catholique. La vitrine 5, consacrée aux velours à petits motifs – majoritaires dans la collection –, montrait la diversité de ces tissus caractéristiques du dernier tiers du xvie siècle et du début du xviie siècle : branches fleuries, fleurettes, feuillages, rinceaux, flammèches et motifs purement géométriques.
Après ces accrochages surtout centrés sur des techniques de tissage, une présentation plus thématique semblait nécessaire, en particulier pour séduire le jeune public et permettre l’organisation d’ateliers parallèlement à chaque exposition. Ainsi, l’accrochage 2018-2019, intitulé « Bestiaires tissés », était intégralement consacré à la place du monde animal dans le textile2727. Exp. Écouen 2018-2019 (1) ; <https://musee-renaissance.fr/accrochage-2018-2019>.. Depuis le Moyen Âge, les motifs animaliers ornent les étoffes. Aux xvie et xviie siècles, ils continuent de peupler le textile : souvent nombreux, ils sont combinés dans des scènes narratives ou simplement décoratives. Pourtant ces animaux ne sont pas seulement estimés pour leur valeur esthétique ou pour la difficulté de les transcrire par le tissage. En effet, certains peuvent aussi porter un message symbolique. La présentation commençait avec, dans la vitrine 1, trois œuvres rapprochées par leur finesse d’exécution : un lé de satin liseré latté à motifs de paon (E.Cl. 14147), un fragment de velours orné de lions et d’oiseaux (E.Cl. 21775) et un étui à couteaux gainé de tissu brodé de pélicans (E.Cl. 1640). Sur les panneaux gainés de la vitrine 2, on pouvait voir trois tissus à motifs de grotesques, ornements faits de compositions fantaisistes associant figures humaines, animaux, monstres et rinceaux végétaux. Issues des compositions de Raphaël et de Giovanni da Udine à Rome, les grotesques connurent un grand succès à travers l’Europe du xvie siècle. Mêlant cygnes, satyres, lions, renards, chiens et grenouilles, ces trois morceaux d’étoffes reflétaient l’influence, dans tous les domaines des arts décoratifs, des fresques romaines antiques trouvées lors des premières fouilles archéologiques de la Domus Aurea à Rome.. La vitrine 3, dédiée aux animaux fantastiques, êtres hybrides et monstres qui fascinaient les hommes de la Renaissance, les donnait à voir représentés sur des filés brodés (série E.Cl. 8991), un velours (E.Cl. 21271) et une pente de lit en satin brodé (E.Cl. 13046). Dans la vitrine 4 était déployée une courtepointe (E.Cl. 1955) faite de soixante-douze grands carrés en filet brodé, ornée de nombreux animaux réels, comme l’éléphant, l’écureuil ou le cerf, mais aussi d’êtres fantastiques tels que le centaure, la licorne ou l’hydre. La vitrine 5 abordait la question de la représentation naturaliste des animaux. Les érudits et les artistes de la Renaissance s’intéressaient aux créations de la nature, qu’elles soient animales ou végétales. La redécouverte des écrits de Pline l’Ancien (Histoire naturelle, ier siècle apr. J.-C.) invita scientifiques et humanistes à observer la nature de près. Les pièces exposées dans cette vitrine reflétaient cette nouvelle dynamique et montraient comment les illustrations des ouvrages de Pierre Belon (Histoire de la nature des oyseaux, 1555) ou de Guillaume Rondelet (Histoire entière des poissons, 1554) générèrent des modèles pour les brodeurs et les dentellières.
L’accrochage 2019-2020, intitulé « La Renaissance en broderies », était conçu comme une continuité de l’exposition « L’art en broderie au Moyen Âge », organisée par le musée de Cluny du 24 octobre 2019 au 20 janvier 20202828. Exp. Écouen 2019-2020 ; <https://musee-renaissance.fr/accrochage-2019-2020>.. Entièrement dédié à l’art de la broderie, cet accrochage présentait donc une technique dont il n’est pas question dans le présent catalogue.
Présenter des œuvres tissées implique aujourd’hui de s’adapter à des contraintes techniques et de satisfaire à des exigences de conservation préventive nécessaires pour permettre la transmission de ces œuvres fragiles aux générations futures. Depuis les présentations encyclopédiques du musée de Cluny conçues pour une consultation exhaustive du fonds jusqu’aux accrochages par roulement plus récents à Écouen, la valorisation de la collection d’étoffes a nettement évolué. Grâce aux restauratrices qui interviennent dans le montage des œuvres à chaque nouveau roulement, mais aussi à la professionnalisation des régisseurs des œuvres et des conservateurs, il est possible de proposer des expositions respectueuses de la fragilité des œuvres concernées. Si le rythme temporel et les choix thématiques ne satisfont peut-être pas toujours la curiosité des publics, ils permettent, cependant, de révéler un pan de la collection et de remplir les missions éducatives du musée. Gageons que ce rythme pourra être maintenu à l’avenir pour continuer de donner à voir ce riche fonds textile.